par Tim McMorran, associé principal et ingénieur-géologue
L’Antarctique est un continent extraordinaire. La majeure partie de sa masse terrestre est recouverte en permanence par la glace, et les épaisses nappes de glace qui se forment sur ses rives peuvent faire doubler sa superficie en hiver.
Si l’Antarctique est une destination de rêve pour un géologue, y mener des investigations dans le but de concevoir des fondations – des investigations qui commencent par des forages – représente un défi sur le plan géotechnique.
L’échantillonnage de carottes de forage constitue le fondement de la plupart des études géotechniques de reconnaissance de sols et cette opération implique généralement l’injection d’eau. Toutefois, l’eau gèle rapidement en Antarctique et l’injection peut faire fondre la glace présente dans les sols à échantillonner, ayant pour effet de fausser les relevés. Le recours à d’autres méthodes est donc nécessaire.
Au cours des trois dernières années, une équipe d’ingénieurs-géologues et de géotechniciens de Golder en Nouvelle-Zélande a mené des investigations géotechniques en Antarctique avec l’aide de l’équipe chevronnée d’ingénierie du pergélisol de Golder en Alaska.
Les activités de forage, d’échantillonnage et d’analyse de sols posent des difficultés lorsqu’elles ont lieu sous un climat auquel le corps humain ne peut parfois être exposé que pendant 30 à 60 minutes à la fois et où du travail à l’extérieur n’est généralement effectué que pendant trois ou quatre mois par année. L’équipe de Golder a surmonté ces difficultés d’ordre climatique afin d’analyser les conditions du sous-sol et de conseiller trois stations de recherche concernant la conception de fondations en lien avec des projets de construction.
Le mandat
Golder a amorcé ses travaux en 2015 à la base antarctique Scott, une station scientifique néo-zélandaise située sur l’île de Ross et créée il y a de cela 50 ans. Par la suite, Golder a été appelée à mener des activités similaires à une station de recherche voisine, soit la base McMurdo de la Fondation nationale des sciences des États Unis et, en 2016, les travaux dans la péninsule antarctique ont débuté à la base Palmer pour le compte de cette même organisation. Golder est retournée à la station McMurdo en 2017 pour procéder à des investigations supplémentaires.
Chacune de ces bases a fait appel aux services de Golder pour une investigation des conditions de sols et des conseils pour des fondations appropriées pour de nouvelles installations. Les analyses et les conseils fournis concernaient notamment les éléments suivants :
- la gestion des effets sur le pergélisol
- la prise de mesures de protection contre les effets des changements climatiques sur les fondations
- la conception d’ancrages
- le dynamitage de roc
- l’évaluation du risque sismique
- la réduction au minimum des répercussions environnementales des activités menées sur le site
Utilisation exclusive d’équipement homologué « pour temps extrêmement froid »
En tenant compte du refroidissement éolien, la température descend jusqu’à – 40°F (- 40 C) et la température ambiante oscille autour de – 10°F (- 23 C) pendant le bref été antarctique. L’organisme Antarctica New Zealand et le U.S. Antarctic Program fournissent de l’équipement « pour temps extrêmement froid » homologué à chaque visiteur. Les visiteurs doivent de plus subir un examen médical exhaustif avant leur départ et participer à une formation en matière de sécurité dès leur arrivée sur place. En raison des températures extrêmement basses et de l’isolement géographique, les visiteurs doivent être en bonne forme et bien préparés.
Forage au moyen d’air comprimé refroidi
Golder a travaillé en collaboration avec Webster Drilling, une entreprise de Nouvelle-Zélande spécialisée en forage, qui dispose d’une foreuse spécialement conçue pour injecter de l’air comprimé préalablement refroidi dans les déblais de forage.
Sous la supervision de Golder, des opérateurs spécialisés de Webster ont percé environ 80 trous de forage à la station McMurdo pour prélever les échantillons de sol gelé et de roc requis. Les trous de forages les plus profonds ont été d’une profondeur de 90 pieds, avec une profondeur moyenne d’environ 20 pieds. Des programmes de forage de nature similaire ont aussi été exécutés à la base Scott et à la station Palmer.
Pergélisol, changements climatiques et environnement
Dans le cadre d’un projet de construction en Antarctique, on doit d’abord et avant tout tenir compte des effets du cycle de gel-dégel. Golder a installé des thermistors dans certains trous de forage afin d’enregistrer les variations de température dans le sol au fil des saisons et à travers le temps. On peut ainsi s’assurer que les fondations des nouveaux bâtiments sont situées plus profondément que la zone influencée par le cycle de gel dégel et qu’elles sont protégées contre les effets des changements climatiques.
La conception des ancrages est un autre élément important. Des tiges d’acier ont été fixées dans certains trous de forage au moyen de diverses formulations de coulis avant d’être soumises à des tests hydrauliques visant à déterminer si elles seraient suffisamment résistantes pour servir d’ancrages sous les fondations.
Avec l’aide de l’équipe spécialisée en ingénierie sismique de Golder, l’équipe néo-zélandaise a également évalué le risque sismique et son incidence sur la conception de bâtiments.
Un spectacle inoubliable
En tant que géologue, j’ai été amené à travailler dans un large éventail d’environnements différents à travers le monde au cours des 25 dernières années, mais mon séjour en Antarctique représente l’un des points culminants de ma carrière.
Il s’agit d’une région qui est à la fois très rude et d’une beauté hors du commun. Je me souviendrai toujours des phoques et des manchots d’Adélie sautant sur les plateformes de glace flottante et des motifs qui se dessinaient sur la vaste couverture de glace au gré de ses mouvements ascendants et descendants. En outre, j’ai vu pour la première fois de ma vie un atterrissage être re-tenté plusieurs fois en raison de la présence de pingouins sur la piste!
La visite de huttes datant de l’époque des premiers explorateurs de l’Antarctique comme Robert Falcon Scott et Sir Edmund Hillary constitue un autre événement mémorable. J’ai eu le privilège de partager ces moments avec les membres de l’équipe antarctique de Golder, à savoir Sophie Bainbridge, Joel Bensing, Matt Howard et Sean Templeton.
Lorsqu’il faudra retourner là-bas pour de nouvelles activités d’essai et de suivi, ce ne sont pas les volontaires qui manqueront!
Tim McMorran est associé principal et ingénieur-géologue chez Golder. Il travaille avec des clients de partout en Nouvelle-Zélande et dans la région Asie-Pacifique. Il est titulaire d’un baccalauréat en géologie et d’une maîtrise en géo-ingénierie de l’Université de Canterbury (Nouvelle-Zélande). Il a œuvré comme géologue-conseil, principalement à partir de la région de Christchurch en Nouvelle-Zélande, pendant plus de 25 ans.