Dessalement et prise de décisions
10 mars 2021
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La présente entrevue a d’abord été publiée dans le numéro de mars 2021 [anglais seulement] d’International Mining .

International Mining (IM) s’est entretenu avec le directeur de la stratégie sur l’eau et de la durabilité de Golder, M. Hu Fleming, qui possède une vaste expérience des grands projets de dessalement. M. Fleming a travaillé avec des sociétés d’experts conseils et des acteurs de l’industrie, notamment à titre d’ancien responsable mondial de l’eau à Anglo American. Voici ce qu’il a dit à IM : « En général, le coût par mètre cube a considérablement diminué, et c’est la raison pour laquelle le dessalement joue un rôle beaucoup plus important dans l’approvisionnement mondial en eau, pas seulement dans l’exploitation minière. Il y a environ 3 ans, le coût du dessalement en usine a percé le niveau de 1 $ le mètre cube. Certaines exploitations commerciales offrent un coût de 0,60 $ le mètre cube. Diverses améliorations opérationnelles et techniques ont permis en grande partie de réduire les coûts. Toutefois, dans le secteur minier, ce n’est pas si simple : le coût de dessalement en tant que tel forme probablement la plus petite partie du coût global.

D’abord, peu de mines sont situées le long de la côte, de sorte que le coût d’un projet de dessalement aux fins d’exploitation minière correspond à celui de l’usine de dessalement, puis des prises d’eau et de l’émissaire d’effluent, de la canalisation vers le site minier ainsi que des stations électriques ou des postes de pompage connexes servant au transport. Prenons l’exemple de la mine d’Escondida. La valeur de l’usine de dessalement était d’environ 250 millions de dollars, mais le coût de la canalisation était de 300 à 400 millions de dollars et celui des stations de compression auxiliaires s’élevait à plus de 50 millions de dollars. Ce constat s’applique non seulement à Escondida, mais aussi à de nombreux projets de dessalement dans le secteur minier. Il est nécessaire de penser au coût global. »

Selon M. Fleming, l’autre facteur majeur à considérer en ce qui concerne le dessalement de l’eau aux fins d’exploitation minière est la gestion de la saumure. Les usines municipales de dessalement rendent possible le retour en mer du concentré de saumure, mais la plupart des gouvernements n’autorisent pas aux sociétés minières de le faire, car il n’y a aucun bénéfice public lié directement au dessalement de l’eau. La gestion de la saumure peut donc entraîner un autre coût important, ce qui a mis un frein dès le début à beaucoup de projets de dessalement dans le secteur minier. Il est possible de dépenser de 10 à 12 $ le mètre cube seulement pour la gestion de la saumure.

Les mines n’ont généralement pas besoin d’une eau dessalée de qualité. Au Chili, par exemple, tout le monde se concentre sur les grands projets de dessalement. Toutefois, pour chaque usine de dessalement, deux ou trois canalisations conventionnelles d’approvisionnement en eau de mer ont été construites comme solution de rechange. En général, ce sont les minières de petite et de moyenne taille qui empruntent cette voie, ce qui occasionne des problèmes particuliers, comme la corrosion des canalisations et la fissuration, en plus, selon le produit minier, de pertes sur le plan de la récupération des matières en suspension.

Qu’en est-il de la collaboration entre les mines pour partager l’eau provenant d’une seule grande usine? M. Fleming dit que cela se fait déjà. Au Chili, Teck construit sur la côte une usine de dessalement à grande échelle aux fins d’exploitation minière dans la région de Tarapacá, où cinq stations auxiliaires pomperont l’eau dessalée jusqu’à une altitude de 4 300 m vers l’usine de concentration de la mine QB2. Néanmoins, Collahuasi (Glencore et Anglo) a envisagé de faire équipe avec d’autres projets, par exemple pour construire un aqueduc servant au transport de l’eau dessalée restante comme ressource d’appoint de la mine QB2 vers son site ou pour mettre en commun une usine de dessalement. Des ententes semblables continuent d’être envisagées ailleurs, comme la possibilité de mettre en commun une usine de dessalement entre le projet de mine de cuivre El Morro de Newmont et le projet de mine de molybdène Relincho de Teck au Chili. Plusieurs promoteurs régionaux prévoient construire une usine de dessalement pour leurs stations électriques aux endroits où des sociétés minières songent à exploiter l’eau, à l’instar de Codelco et d’Anglo American dans la région de Santiago..

Il y a aussi de nouvelles façons d’envisager le dessalement. Les minières examinent la pertinence d’investir dans des usines de dessalement qui approvisionneront en eau des régions peuplées situées jusqu’à 100 km à l’intérieur des terres. En retour, ces collectivités pourraient permettre aux mines d’utiliser les eaux souterraines intérieures. Ces projets sont appelés « échanges d’eau virtuelle » et sont élaborés non seulement au Chili, mais aussi en Australie, en Afrique du Sud et ailleurs. Dans ce cas-là, les obstacles à surmonter peuvent être des complexités d’ordre juridique.

Même si c’est au Chili qu’ont lieu les projets de dessalement les plus importants et les plus coûteux dans le secteur minier, ce n’est pas le seul pays où il y a de tels projets. M. Fleming précise que, si l’on examine une carte du monde, la plupart des usines de dessalement aux fins d’exploitation minière sont petites et situées à l’extérieur du Chili. Il peut s’agir de l’usine de dessalement dans le port de Durban, où une grande partie de l’eau est utilisée pour nettoyer les transporteurs, les canalisations et les wagons et récupérer les fines restantes; de l’usine de dessalement du port d’Areva, en Namibie; ou encore des systèmes de dessalement pour la récupération du cuivre et de l’or dans le cadre d’activités de réduction électrolytique et d’extraction électrolytique en Australie et en Afrique.

Le dessalement n’a pas lieu que dans les régions arides. Bon nombre des premières usines de dessalement aux fins d’exploitation minière ont été construites pour des usines d’extraction par solvant ou électrolytique, où les cellules électrolytiques ont besoin d’eau ultrapure. Dans le domaine de la gestion des déchets miniers, il y a aussi un besoin pour extraire l’eau des résidus et la récupérer, ainsi que pour réutiliser l’eau des usines de traitement. « Au bout du compte, à mesure que la technologie de réutilisation et de recyclage de l’eau progresse, dans bien des cas, il sera possible d’éliminer au départ toute nécessité de dessalement. Dans le cadre des nouveaux projets miniers, le recyclage et la réutilisation de l’eau sont maintenant en tête de liste, le dessalement figurant plus bas dans l’arbre décisionnel comme dernier recours. Golder et d’autres entreprises travaillent activement à la mise au point de technologies de traitement visant à rendre plus efficace la réutilisation de l’eau. »

Enfin, en ce qui concerne le traitement de l’eau dans le secteur minier, M. Fleming nous a avertis que, contrairement à d’autres industries qui utilisent également le dessalement, il n’y a pas deux projets miniers identiques. Même pour le même produit dans le même pays, les variations minéralogiques font en sorte que l’approche à l’égard de l’eau ne peut jamais être simplement reproduite d’un site à un autre.


À PROPOS DE L’AUTEUR

M. Hubert Flemingest directeur de la stratégie sur l’eau et de la durabilité. Auparavant, il a occupé le poste de responsable de la gestion de l’eau chez Anglo American. Il compte près de 40 ans d’expérience dans le secteur de l’eau, notamment à titre de président du comité sur l’eau du Conseil international des mines et métaux et du groupe de travail de l’OTAN sur l’environnement. Il a aussi été membre du comité consultatif sur la Clean Water Act de l’EPA aux États-Unis.

Hu Fleming

Hu Fleming Member Name

Directeur de la stratégie sur l’eau et de la durabilité


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