
Comme pour tous les grands projets d’infrastructure, investir dans un port (à n’importe quelle étape du cycle de vie d’un projet) exige un exercice exhaustif de diligence raisonnable. Les complexités particulières liées à l’emplacement d’un port et aux pouvoirs le régissant se reflètent dans les risques d’investissement sur les plans juridique, financier, technique, institutionnel, environnemental et social cernés durant le processus.
L’ampleur et la portée des activités à la fois terrestres et maritimes font en sorte que les ports peuvent avoir de vastes et d’importantes répercussions environnementales, sociales et économiques. Les conséquences posant des problèmes peuvent découler de travaux d’infrastructure maritime, de l’empreinte d’un terminal, du dragage et de l’élimination de matériaux dragués, du transport de matériaux de construction, de l’élargissement de la fermeture de la navigation, de la manutention et de l’entreposage de marchandises, de l’éclairage du port et des activités liées à la navigation maritime et au transport terrestre.
Ces activités peuvent avoir une incidence sur la qualité de l’air, la qualité esthétique et l’environnement sonore, ainsi que sur les ressources, les habitats et les écosystèmes marins et côtiers importants sur les plans culturel et environnemental pour les espèces en péril. Les répercussions sur les ressources halieutiques et leur habitat peuvent en retour avoir une incidence sur les pêches commerciales et traditionnelles autochtones et sur les moyens de subsistance durables. Les activités menées dans les terminaux et le transport maritime, de même que les transports ferroviaire et routier lourd peuvent également avoir une incidence sur la sécurité publique, ainsi que sur l’utilisation des terres et des ressources pour les utilisateurs commerciaux, récréatifs et traditionnels. Des conflits peuvent survenir entre les opérations portuaires et les activités industrielles, agricoles, de pêche, de tourisme et récréatives à proximité en raison d’utilisations concurrentes de zones et de ressources terrestres et marines.
L’attention grandissante sur le plan des politiques et de la réglementation accordée aux changements climatiques est particulièrement pertinente pour les ports, qui sont tenus de rendre compte des efforts de réduction des émissions de CO2, ainsi que d’évaluer et de divulguer les répercussions potentielles des changements climatiques sur les futures activités portuaires. Le Conseil de stabilité financière a créé le Groupe de travail sur la divulgation accrue de renseignements sur les risques financiers liés au climat [anglais seulement], dont les recommandations devraient servir de point de départ de la divulgation des renseignements sur les risques financiers liés au climat. Les exigences du Groupe de travail font ressortir les conséquences potentielles et l’importance des risques climatiques pour la pérennité de l’investissement.
En mettant l’accent sur l’atténuation de l’incertitude liée aux risques pour l’investissement, voici quatre facteurs que les investisseurs et les propriétaires d’installations portuaires doivent prendre en considération lorsqu’ils exercent une diligence raisonnable en matière de responsabilité environnementale et sociale d’un port.
1. Vérifier la solidité des systèmes de gestion
Un élément clé de l’exercice de diligence raisonnable consiste à vérifier que le propriétaire ou l’exploitant du port a mis en place une série de systèmes de gestion environnementale et sociale appropriés par rapport à la nature, à l’ampleur et à la portée du projet et suffisamment raffinés pour contrôler efficacement les responsabilités, les risques et les impacts opérationnels, environnementaux et sociaux. Le suivi de la performance exige des preuves de l’efficacité des dispositions prévues pour maîtriser les risques environnementaux, sociaux, liés aux relations de travail, de gouvernance, de la sécurité des opérations et de la santé au travail.
2. Mettre l’accent sur les opportunités et les risques importants
Dans le cadre du processus de diligence raisonnable, les investisseurs doivent cerner les enjeux environnementaux et sociaux les plus importants, ainsi que les indicateurs de performance environnementale, sociale et de gouvernance connexes qui peuvent être mesurés et communiqués. Étant donné que de nombreux risques clés liés à l’environnement, à la société et à la gouvernance ne sont pas faciles à quantifier, les investisseurs doivent s’assurer d’établir les domaines d’intérêt et les paramètres les plus pertinents et significatifs pour déterminer et suivre la performance globale et le rendement du capital investi. Les paramètres devraient porter sur des thèmes liés aux ports et au secteur maritime.
Bon nombre des risques importants qui s’appliquent aux ports sont pris en compte par le programme World Ports Sustainability [anglais seulement], le Groupe de travail sur la divulgation accrue de renseignements sur les risques financiers liés au climat et la Global Reporting Initiative. D’après notre expérience, certains des risques et des paramètres les plus importants ont trait au dragage et à la remise en état des terres, aux habitats marins, aux pêches commerciales et autochtones, aux risques liés aux catastrophes et au climat, ainsi qu’à la navigation et à la sécurité maritimes. Les paramètres doivent être pertinents par rapport au contexte social, biophysique et réglementaire local particulier. Cela exige de mobiliser les intervenants locaux afin de cerner les enjeux, les attentes et les mesures de performance les plus importants. Il est également important de valider régulièrement les mesures de performance et les résultats les plus importants en ce qui a trait aux définitions d’aménagement et d’exploitation durables des ports, au moyen d’un dialogue continu avec les intervenants et de leur mobilisation constante.
3. Comprendre les répercussions sociales
Les répercussions sociales négatives, comme celles qui ont trait aux relations et aux conditions de travail, à la santé et à la sécurité des collectivités et des travailleurs, à la gestion de la chaîne d’approvisionnement, à l’investissement et à la sensibilisation communautaires, aux droits de la personne et à l’équité sociale, peuvent avoir une incidence sur la performance financière à long terme, les risques et le rendement. Les propriétaires, les exploitants et les investisseurs d’infrastructures doivent savoir que les propriétaires et les exploitants de ports entretiennent une relation bénéfique avec les collectivités locales et qu’une mobilisation efficace est en place en vue de l’obtention de résultats favorables pour les collectivités et les autres intervenants, qui découlent de la présence et des activités du port.
Un éventail de systèmes de mesure et de points de repère utilisés par les investisseurs et les tiers obtiennent l’appui de la communauté élargie des impacts et de la durabilité. Il est néanmoins important de définir des paramètres sociaux pertinents et de recueillir des données significatives connexes. La mobilisation rapide des intervenants et des peuples autochtones peut contribuer à la détermination et au raffinement des valeurs et des enjeux sociaux importants, ainsi que des paramètres de performance connexes. Il faut par ailleurs comprendre les variations géographiques et culturelles dans les définitions et dans l’importance accordée à divers enjeux sociaux. Par exemple, lorsque nous collaborons avec des groupes autochtones, il est important de recueillir des connaissances autochtones pour délimiter les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance importants, y compris ceux qui ont trait aux territoires, aux terres et aux eaux autochtones, aux droits autochtones et au patrimoine culturel. Des mises à jour régulières des profils sociaux, économiques et sanitaires de base propres au projet et des évaluations d’impact durant les opérations portuaires peuvent également aider à générer des données sociales pertinentes aux fins des rapports sur la performance.
4. Numériser le suivi de la performance
Relier les données numériques aux indicateurs de performance peut générer en temps opportun des renseignements sur la performance environnementale et sociale par port opérationnel. Les technologies logicielles aident à recueillir de grandes quantités de données, par exemple des données géospatiales sur la pêche commerciale dans la zone portuaire pour surveiller les fermetures de la navigation et en rendre compte efficacement afin de maintenir la sécurité de la navigation, ainsi que l’accès sûr aux lieux de pêche commerciale à proximité et leur utilisation. L’information tirée de la réalité virtuelle peut aussi être utilisée pour surveiller, signaler et améliorer la formation et l’efficacité des travailleurs. De plus, les systèmes numériques automatisés peuvent recueillir en temps réel des données personnalisables sur, par exemple, la qualité de l’air et l’approvisionnement local. Ces outils peuvent aider les ports à faciliter les processus automatisés de production de rapports afin de mieux communiquer les mesures et la performance sur les plans environnemental, social, de la santé et de la sécurité aux investisseurs et aux autres intervenants; à prendre des décisions éclairées au sujet des améliorations nécessaires; et à fournir les renseignements essentiels afin de contribuer à l’atténuation des risques.
La prise en compte de ces quatre facteurs permet de structurer et d’aborder les défis et les risques environnementaux et sociaux complexes associés aux ports. Mobiliser des spécialistes expérimentés et compétents des aspects environnementaux et sociaux des ports et des milieux marins qui comprennent l’environnement réglementaire local, la culture et les collectivités, les intérêts et les enjeux des intervenants, ainsi que les normes de performance environnementale et sociale pertinentes est un moyen prudent d’atténuer le risque d’investissement.
Roxanne Scott est spécialiste en sciences sociales et vérificatrice qualifiée de la diligence raisonnable et de la conformité en matière de responsabilité sociale. Elle travaille chez Golder depuis 2005. Elle compte plus de 20 ans d’expérience internationale de la direction d’évaluations socioéconomiques; de vérifications de la diligence raisonnable et de la conformité en matière de responsabilité sociale; et du suivi de la performance sociale en soutien à la gestion des risques liés au financement de projet, à la divulgation des renseignements et à l’élaboration de projets durables. Son travail appuie les principes volontaires sur la sécurité et les droits de la personne, l’analyse comparative entre les sexes et la prise en compte des peuples autochtones et des groupes vulnérables dans les projets et les processus d’audit.