L’adoption de l’hydrogène vert est-elle une occasion de transformer le secteur du pétrole et du gaz?

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Chris Rae Member Name

Directeur de projet

Andrea Chiampo Member Name

Leader du secteur du pétrole et du gaz pour l’Europe et le Moyen-Orient

Pour l’industrie mondiale de l’énergie, l’expansion rapide de l’éolien et du solaire ainsi que la chute de leur coût ne sont rien de moins qu’une révolution. La transition des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables continue de prendre de la vigueur, et en adoptant l’hydrogène vert, nous sommes sur le point de faire un autre grand pas vers un avenir où l’énergie sera propre.

La vague de changement commence à toucher l’industrie pétrolière et gazière, grande émettrice de gaz à effet de serre. Les investisseurs, les actionnaires, les employés et le public ont des attentes élevées, et ils scrutent de plus en plus attentivement les normes ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) du secteur. Ils exercent aussi de plus en plus de pression sur les entreprises du secteur du pétrole et du gaz pour qu’elles se joignent au mouvement vers un avenir où les émissions seront faibles.

Le moment est venu pour les entreprises pétrolières et gazières de se préparer au changement et de devenir de grandes entreprises du secteur de l’énergie en général, de saisir rapidement les nouvelles possibilités qui s’offrent dans le domaine de l’énergie propre, l’hydrogène vert en étant une, et de prendre un engagement sérieux à l’égard de la mise en œuvre de solutions énergétiques mondiales.

L’hydrogène sera une solution seulement s’il est propre

Lorsque l’hydrogène est extrait de combustibles fossiles (comme le charbon ou le gaz naturel) et que les émissions sont rejetées dans l’air, il est qualifié de « brun » ou de « gris ». Une solution de rechange plus propre, l’« hydrogène bleu » est l’hydrogène produit à partir du gaz naturel avec captage et stockage du carbone. Mais le but ultime, c’est de produire de l’« hydrogène vert », par le procédé simple et éprouvé de l’électrolyse, à partir d’énergie renouvelable et à l’aide seulement d’un électrolyseur et d’eau. Lorsqu’on utilise de l’énergie éolienne, solaire ou hydroélectrique, l’hydrogène devient véritablement une source d’énergie propre.

La production d’hydrogène vert est un complément naturel aux projets d’énergie éolienne et solaire. Elle peut servir de technologie de stockage permettant de profiter de la production excédentaire lorsque le vent et le soleil sont abondants. Quand la production d’une énergie renouvelable qui dépend des conditions météorologiques est inadéquate, l’hydrogène peut en combler les lacunes. L’électrolyseur sert alors à réguler rapidement la tension et la fréquence, et à ainsi stabiliser le réseau. L’hydrogène peut également être transporté là où on a besoin d’énergie et être utilisé pour des applications autrement difficiles à décarboniser (comme le transport aérien, maritime et routier sur de longues distances et les procédés industriels à haute température).

La demande mondiale en hydrogène est actuellement estimée à environ 70 millions de tonnes, et elle est comblée à 98 % par l’hydrogène gris. Bien que l’hydrogène vert soit actuellement beaucoup plus cher que l’hydrogène gris, cette situation devrait s’inverser au cours de la prochaine décennie, au fur et à mesure que le coût de l’énergie éolienne et solaire chutera, que les électrolyseurs deviendront plus abordables et que les sanctions financières imposées aux émetteurs augmenteront. L’hydrogène vert devrait connaître une forte expansion à partir de 2030 (moment où l’on prévoit qu’il deviendra concurrentiel pour la plupart des applications) et atteindre 500 millions de tonnes d’ici 2050, remplaçant ainsi les carburants à base de carbone.

Une perspective européenne

Étant donné que la production européenne d’énergie éolienne et solaire devrait tripler au cours des cinq prochaines années, il y a une énorme possibilité de croissance pour l’hydrogène vert. En fait, c’est maintenant une priorité extrêmement élevée pour la transition énergétique de l’Union européenne. L’UE reconnaît que le déploiement rapide et à grande échelle de l’hydrogène vert sera nécessaire pour atteindre ses objectifs ambitieux en matière de climat et d’émissions. C’est pourquoi elle planifie actuellement l’expansion de ses projets d’hydrogène renouvelable, avec à l’appui un investissement de milliards d’euros d’ici 2050. Les investissements dans la production d’hydrogène devraient augmenter massivement au cours des prochaines années en Europe, principalement grâce au financement important alloué par l’UE dans le cadre du Plan de relance européen de 2020.

De nombreux pays européens investissent des sommes considérables dans la construction d’usines d’électrolyse et d’autres infrastructures liées à l’hydrogène. Cependant, il est probable que l’Europe joue un rôle plus important comme consommatrice et importatrice d’hydrogène vert que comme productrice. Dans ce contexte, il y a un intérêt grandissant à l’égard de l’établissement de relations et de partenariats étroits avec les producteurs du Moyen-Orient et de l’Afrique, qui ont une abondance de ressources pour la production d’énergie éolienne, solaire et hydroélectrique.

Déjà, plusieurs projets visant l’exportation d’hydrogène vert en Europe sont prévus en Arabie saoudite et en Oman. Sur le continent africain, de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest sont considérés comme étant des lieux idéaux pour la création de pôles de production d’hydrogène vert, en raison de leur proximité avec l’Europe et les installations existantes.

Des avantages mutuels peuvent découler de la collaboration entre les pays européens et africains dans le domaine de l’hydrogène vert, puisque l’Europe accédera à des sources d’hydrogène pour l’importation et que les collectivités africaines bénéficieront d’investissements étrangers synonymes de développement économique, de possibilités de formation et d’emplois locaux, de meilleures conditions de vie et d’une voie de sortie de la pauvreté.

La stratégie de l’UE pour l’hydrogène reconnaît explicitement la possibilité pour l’Afrique de devenir l’une des grandes sources d’approvisionnement. Il y a donc un mouvement vers l’orientation des investissements européens de façon à permettre aux pays africains de lancer des projets d’énergie verte.

Le point de vue de l’Australie

L’Australie pourrait devenir l’un des principaux exportateurs d’hydrogène dans le monde. Ce pays jouit d’une abondance de ressources, et l’hydrogène offre une excellente occasion aux grandes entreprises du secteur du pétrole et du gaz de croître et de diversifier leurs activités. En tirant parti de l’intérêt mondial que suscite l’hydrogène, ces entreprises peuvent devenir de solides concurrents et de grands exportateurs dans ce marché en croissance.

Pour que les entreprises australiennes puissent saisir les nouvelles occasions qui s’offrent à elle, il faudra s’efforcer d’élaborer des politiques et des cadres réglementaires clairs qui les appuieront. L’Australie a publié sa stratégie nationale pour l’hydrogène en novembre 2019, et des fonds gouvernementaux sont maintenant affectés à des projets pilotes et de recherche préliminaire, ainsi qu’à l’exploration des nouvelles façons d’utiliser l’hydrogène, des possibilités d’accroissement de la production et de réduction des coûts et du potentiel d’exportation vers les centres où la demande est en plein essor au Japon, en Corée du Sud, à Singapour et en Chine.

Des « mégaprojets » sont en train de voir le jour en Australie, comme le Asian Renewable Energy Hub (36 milliards de dollars américains), dans la région de Pilbara, en Australie-Occidentale. De vastes installations de production d’énergie éolienne et solaire y seront aménagées. Elles produiront de l’hydrogène qui sera transformé en « ammoniac vert », lequel pourra servir de solution de rechange à l’exportation d’hydrocarbures. L’exportation d’hydrogène vert est également adoptée avec enthousiasme par le petit État insulaire de la Tasmanie, qui possède d’abondantes ressources hydroélectriques et éoliennes. Ayant déjà atteint un taux de pénétration des énergies renouvelables de 100 %, la Tasmanie vise un taux de 200 % d’ici 2040 et souhaite consacrer une partie de sa capacité à la production d’hydrogène vert, pour l’exportation. À la fin de l’année 2020, le gouvernement tasmanien a annoncé qu’il accordait un financement pour appuyer des études de faisabilité dans le cadre de trois grands projets d’hydrogène, l’objectif étant de produire et d’exporter de l’hydrogène vert d’ici 2030.

L’exportation n’est cependant pas la seule chose à avoir suscité l’intérêt de l’Australie pour l’hydrogène vert. Les responsables du Western Australian Asian Renewable Energy Hub et des projets menés en Tasmanie exploreront également la possibilité d’utiliser de l’hydrogène pour alimenter les fourneaux qui pourraient transformer les grandes réserves de fer de l’Australie en « acier vert ». En novembre 2020, le magnat des mines de l’Australie-Occidentale Andrew Forrest a annoncé son propre plan « d’édification nationale » consistant à investir des milliards de dollars dans l’hydrogène vert pour stimuler l’industrie de l’acier vert en Australie.

Parmi les autres possibilités qu’offre l’hydrogène vert en Australie, mentionnons son utilisation comme carburant dans le secteur des transports, son intégration aux réseaux de gaz existants et son utilisation pour stabiliser et soutenir les systèmes d’énergie renouvelable hors réseau dans les régions éloignées. La plupart des projets australiens en sont encore aux étapes de la conception et des études préliminaires, de sorte qu’il faudra attendre encore quelques années avant qu’ils obtiennent les approbations financières et que la construction ait lieu.

Ravitailler la prochaine génération

Qu’est-ce que cela signifie pour l’industrie du pétrole et du gaz? L’hydrogène vert offre aux entreprises pétrolière et gazière l’occasion de devenir des entreprises du secteur de l’énergie en général, de réduire leur empreinte carbone et de diversifier leurs activités en effectuant une transition au moins partielle des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables. Un engagement sincère à l’égard des solutions d’énergie propre et de la réduction des émissions améliorera leurs facteurs ESG, ce qui est essentiel pour l’avenir de l’industrie.

Au fil de l’évolution de la filière hydrogène pendant les 10 prochaines années, il sera important pour les entreprises du secteur du pétrole et du gaz d’attirer les jeunes ingénieurs, scientifiques et autres spécialistes les plus brillants de la prochaine génération pour proposer de nouvelles solutions aux défis urgents que doit relever le monde, solutions qui devront répondre aux attentes des marchés et des collectivités d’aujourd’hui.

L’hydrogène vert est une source d’énergie enthousiasmante pour l’avenir, mais il faudra faire preuve de vision et de leadership pour saisir l’occasion. La vague de changement déferle. Le plus grand risque sera de ne pas agir assez vite pour en tirer parti.

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