
Il y a 3 ans, 27 des plus grandes sociétés minières et de métaux du monde se sont engagées à prendre des mesures pour appuyer l’utilisation responsable de l’eau en publiant l’énoncé de position sur la gestion de l’eau [anglais seulement] de l’ICMM. En signant l’énoncé de position, les membres se sont engagés à assurer une divulgation transparente et uniforme au chapitre du rendement des activités relatives à l’eau, à gérer efficacement l’eau dans le cadre des opérations et à collaborer avec d’autres intervenants pour veiller à une utilisation responsable et durable de l’eau pour tous.
La collaboration avec d’autres intervenants et les apprentissages qui en découlent sont au cœur du cheminement vers l’intendance de l’eau. Afin d’aider ses entreprises membres à respecter ces engagements, l’ICMM a tenu un certain nombre d’ateliers, d’activités d’échange de connaissances, de webinaires et de séances de dépannage, mettant à profit l’expérience collective de praticiens sur 650 sites dans plus de 50 pays.
L’une des nombreuses activités a été une table ronde animée par Golder sur l’innovation dans le domaine de l’eau, qui a servi de base à notre webinaire conjoint. L’objectif était de réunir certains des plus grands cerveaux de l’industrie de l’extraction, des ONG, du milieu universitaire et des établissements d’investissement afin qu’ils mettent en commun leurs pratiques exemplaires pour relever certains des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui dans le domaine de l’eau. Pendant deux jours, les participants se sont penchés sur la valeur de l’eau, l’élaboration de partenariats intersectoriels efficaces et des modèles novateurs pour trouver des solutions à certains des plus grands défis que doivent relever les utilisateurs d’eau à l’échelle des bassins versants. Au cours de la discussion, plusieurs thèmes clés ont été cernés comme étant essentiels à la progression d’une approche d’intendance de l’eau.
Un leadership fort est nécessaire pour stimuler le changement.
Au chapitre des mesures concrètes d’intendance de l’eau, les dirigeants d’entreprise doivent reconnaître et défendre l’importance de l’eau en ce qui concerne les vies, les moyens de subsistance et la résilience économique dans l’ensemble de leurs activités, les actionnaires et les intervenants externes en général. Pour le faire, il faut d’abord s’éloigner de l’approche critique actuelle fondée sur les risques et la responsabilité pour adopter l’attitude selon laquelle l’eau est une opportunité et un atout.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons tous pris conscience de la valeur d’un leadership fort en période de crise. La pandémie de COVID‑19 a mis en lumière l’importance vitale de l’eau potable, des mesures de désinfection et de l’hygiène comme première ligne de défense essentielle contre le virus. Plusieurs membres de l’ICMM ont réagi à la situation en fournissant de l’eau à des collectivités rurales et urbaines d’Afrique et d’Amérique du Sud par la construction de réservoirs d’eau, des forages de puits, la distribution d’eau potable et l’établissement de stations de lavage des mains. La COVID-19 a également fait ressortir le besoin à long terme de bâtir des systèmes de distribution d’eau résilients pour composer avec les crises futures, ce qui nécessitera un leadership dynamique et des solutions concertées de la part des gouvernements, de la société civile et des entreprises.
Reconnaître que l’eau est un enjeu local
Bien que nous considérions souvent l’intendance de l’eau dans un vaste contexte organisationnel, il est important de se rappeler qu’il s’agit d’un enjeu local et propre au site ou au bassin hydrographique et qu’il faut donc une solution locale. Refléter les aspirations et les politiques organisationnelles à l’égard des bassins versants exige une compréhension approfondie du contexte et un réseau de soutien d’intervenants internes et externes. Une approche universelle ne peut s’appliquer à toutes les situations. La transition vers une approche fondée sur le contexte requiert l’établissement rapide d’équipes interfonctionnelles pour permettre l’inclusion de multiples points de vue sur l’utilisation de l’eau, les risques et les possibilités à considérer au moment de la prise de décisions, et pour que des points de vue plus larges sur la valeur de l’eau soient pris en compte.
L’ICMM a élaboré un Guide pratique pour orienter étape par étape les entreprises dans le processus de mise en œuvre d’une approche de gestion de l’eau axée sur les bassins versants. Il a également travaillé avec les membres du Conseil pour mettre le Guide à l’essai, appuyant ainsi des approches inclusives des intervenants afin de cerner les principaux enjeux et risques liés à l’eau dans les bassins versants et tout au long du cycle de vie des mines, et pour élaborer une stratégie d’intervention visant à gérer ces risques liés à l’eau.
Élimination des obstacles à la communication et établissement d’un climat de confiance
Le changement exige le dialogue et la compréhension des divers points de vue, besoins et défis des intervenants, tant à l’interne qu’à l’externe. À l’interne, les équipes des services financiers, des services juridiques et de direction des organisations peuvent ne pas être tout à fait à l’aise avec le jargon de l’intendance et de la durabilité de l’eau, ses dimensions techniques et ses défis, obstacles et facteurs habilitants sur le plan social. À l’externe, il peut y avoir un manque de compréhension mutuelle concernant l’eau et sa valeur pour chacune des parties.
Un dialogue ouvert et une communication transparente aideront à renforcer la confiance. La confiance est le fondement des relations efficaces, qu’elles soient internes (de l’entreprise au site) ou externes (de l’entreprise aux utilisateurs d’eau en général et aux partenaires éventuels). Il faut du temps pour gagner la confiance; il faut de la patience; et l’accès à l’information, la transparence et la responsabilisation sont essentiels. Les intervenants ont besoin de sentir que leur voix est entendue également dans l’élaboration d’une vision commune sur un bassin versant.
Les entreprises peuvent promouvoir le dialogue inclusif et la participation des intervenants de nombreuses façons. À titre d’exemple, tenir régulièrement des tribunes ouvertes avec les utilisateurs d’eau et les parties intéressées pour soulever les préoccupations relatives à l’eau et en discuter. Un autre consiste à faire participer les collectivités et les intervenants intéressés à la surveillance participative de l’eau [anglais seulement], une approche de collaboration avec les intervenants qui aide à réduire les conflits et à établir la confiance. Il peut aussi être très utile de trouver des moyens significatifs et culturellement appropriés de mobiliser les communautés locales sur des enjeux complexes liés à l’eau, que ce soit par le théâtre communautaire, la narration, les groupes de discussion ou la formation.
Recueillir, évaluer et échanger des données
L’un des défis les plus couramment cités relativement à l’intendance de l’eau est le manque de bonnes données sur l’eau pour établir une stratégie, atteindre les cibles au niveau du site et prendre de bonnes décisions d’affaires. Un bilan hydrique fiable sur un site est essentiel à la prise de décisions au niveau du site, mais il s’agit souvent d’un élément manquant. C’est le principal outil de prise de décisions de l’exploitant pour évaluer les risques et les opportunités liés à l’eau.
Plus rare encore, un bilan hydrique fiable à l’échelle d’un bassin versant ou d’une région permet à l’exploitant d’une mine de comprendre la relation de la mine avec d’autres utilisateurs d’eau dans le bassin versant plus vaste. Le bilan hydrique régional devrait permettre de créer une approche unifiée pour améliorer la surveillance et les rapports à l’intention des intervenants et des organismes externes pertinents en cernant les risques et les opportunités communs liés à l’eau, y compris la possibilité d’une collaboration, et en soutenant les discussions avec les collectivités et les gouvernements. Si le défi que doit relever une entreprise sur le plan des données se situe à l’échelle du bassin versant, alors une certaine créativité et un certain sens de l’innovation peuvent être nécessaires.
En règle générale, les sociétés minières détiennent déjà beaucoup de données pertinentes sur les bassins versants, qui proviennent d’évaluations de l’impact environnemental et social, d’activités de surveillance en cours, de levés aériens et de la mobilisation des intervenants. Il est possible par ailleurs de combler les lacunes dans les données régionales en utilisant les ensembles de données mondiaux, toujours croissants et de plus en plus accessibles, provenant de géants de la technologie et en ayant recours à des approches novatrices pour recueillir ces données aux fins du bilan hydrique. Pour combler cette lacune, Golder est en train de mettre au point un outil permettant d’intégrer ces ensembles de données aux données locales en vue de l’élaboration de bilans hydriques régionaux, afin d’évaluer les possibilités et les risques actuels et futurs au moyen d’une analyse de scénarios.
Si votre entreprise n’a pas de bilan hydrique, il faut que ce soit le point de départ.
Trouver des solutions efficaces exige de la créativité.
Les capitaux mondiaux qui peuvent être investis dans des projets relatifs à l’eau abondent, mais les libérer dépend souvent de la capacité des projets d’offrir un rendement sur le capital investi. Les projets susceptibles d’être financés sont plus difficiles à mettre en place lorsque les mesures d’intendance de l’eau sont prises en considération isolément ou à petite échelle. Envisager des solutions de rechange pour la mise en place et le financement de projets, comme les partenariats de coentreprise, le financement mixte, les obligations vertes ou une combinaison de ces options, pourrait améliorer la faisabilité bancaire des projets. Il pourrait également être possible pour les fournisseurs de services d’eau indépendants de satisfaire aux exigences des utilisateurs.
Encourager une vision à long terme
Réorienter l’attention d’une organisation vers une stratégie à long terme plutôt que vers le court terme peut être un défi lorsqu’il faut composer avec des délais d’obtention de permis et les contraintes opérationnelles au quotidien. Il est clair cependant que la prise de décisions concernant les investissements dans le secteur de l’eau exige une perspective à long terme, car la durée de vie utile et les besoins continus d’autres utilisateurs d’eau peuvent largement dépasser la durée de vie de la mine.
Pour l’industrie minière, la prise de décisions relativement à l’intendance de l’eau est généralement liée au cycle de vie de la mine. L’aménagement d’une mine se préoccupe de l’accès aux ressources en eau et à la délivrance de permis pour l’extraction et les rejets de l’installation dans le milieu environnant. Les préoccupations opérationnelles concernent généralement l’accès durable, les demandes concurrentes (droits relatifs à l’eau), la réduction au minimum des rejets et la gestion de l’eau sur le site. La fermeture de mines soulève souvent des questions de gestion à perpétuité et de conversion de sites afin de réduire au minimum les coûts à long terme et de promouvoir des collectivités durables ayant accès à des sources d’eau potable durables. En adoptant une approche intégrée de prise de décisions à long terme, nous pouvons rapidement cerner et mettre en œuvre des possibilités mutuellement avantageuses qui tiennent compte des besoins généraux du bassin versant environnant, de son écosystème, des collectivités dépendantes et des autres utilisateurs.
Où en est l’exploitation minière sur la route vers l’intendance de l’eau?
Adopter une approche d’intendance de l’eau exige du temps, des efforts, des ressources et un leadership important. Tout commence par la compréhension du contexte et la sensibilisation pour faciliter la mobilisation des intervenants et l’établissement de partenariats permettant d’offrir des solutions créatives à grande échelle dans le domaine de l’eau.
De grands progrès ont été réalisés. Les mines et les métaux sont le seul secteur qui, selon le rapport mondial sur l’eau de 2019 du CDP, surveille et divulgue régulièrement son impact sur la qualité de l’eau. La tenue à jour d’un bilan hydrique et la production transparente de rapports sur les risques, les impacts et les interactions des entreprises avec l’eau sont une exigence obligatoire de l’ICMM et une composante de la plupart des rapports sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. À l’extérieur de la clôture de la mine, d’importants progrès ont été réalisés au chapitre des partenariats visant à relever les défis communs liés à l’eau. Les entreprises se fixent des cibles ambitieuses dans le but de prendre des mesures à la fois positives pour elles et pour les collectivités et l’environnement dans lesquels elles exercent leurs activités.
Malgré tous ces progrès, la route vers l’intendance de l’eau ne fait que débuter. Les sociétés minières vont de celles qui ont un plan défini en cours de mise en œuvre à celles qui commencent tout juste à connaître le concept. L’intendance de l’eau est un cheminement collectif, et les sociétés qui empruntent ce chemin peuvent bénéficier des expériences des autres : les bonnes et les mauvaises, les réussites et les échecs. Un bon point de départ pour tous est l’échange des connaissances et des apprentissages pour aider et encourager les autres à agir. Après tout, nous sommes tous dans le même bateau.
Pour une discussion approfondie de l’ICMM et de Golder sur le sujet, regardez notre webinaire Water Stewardship: Taking Action in Mining [anglais seulement].
Mike Lelliott est hydrogéologue principal chez Golder. Il compte 20 ans d’expérience dans le domaine de l’évaluation technique et de l’élaboration de solutions intégrées d’approvisionnement et de gestion de l’eau pour des clients du secteur des mines, des hydrocarbures et des infrastructures. Il a beaucoup travaillé en Asie, en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.
Hayley Zipp est gestionnaire dans le cadre du programme de travail sur l’intendance environnementale et le progrès social de l’ICMM. Ses principaux domaines d’intérêt sont l’intendance de l’eau, la conservation de la biodiversité, l’adaptation aux changements climatiques et les relations communautaires.