Quatre pratiques exemplaires en hydrologie face aux changements climatiques

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Sean Capstick

Sean Capstick Member Name

Associé principal et spécialiste sénior des changements climatiques

Janya Kelly Member Name

Spécialiste des changements climatiques et de la qualité de l’air

Se préparer aux changements climatiques, c’est comme être l’entraîneur d’une équipe sportive se préparant au grand match. Vous avez passé en revue les reprises de jeux de l’équipe adverse, en particulier celles de ses joueurs vedettes. Vous êtes convaincu(e) que votre analyse des jeux passés aidera vos joueurs à prédire et à contrer les mouvements de leurs adversaires au cours du prochain match. Mais lorsque l’équipe adverse fait son entrée sur le terrain, vous constatez que les joueurs vedettes ont été échangés, et que vous n’avez aucune idée de ce à quoi vous pouvez vous attendre des joueurs de remplacement faisant face à votre équipe.

La situation est semblable pour les changements climatiques. L’évolution rapide des réalités sur ce sujet bouleversent bon nombre des attentes établies en matière de gestion de l’eau. Ce qui a fonctionné auparavant, suivant les réalités du passé, répond de moins en moins aux besoins de l’avenir. Pour répondre à ces besoins, les organisations doivent faire en sorte d’améliorer ce qui a fonctionné auparavant afin de tirer le meilleur parti de la gestion de l’eau.

Ces quatre pratiques exemplaires se démarquent comme moyens d’aider les organisations à avoir la bonne quantité d’eau, au bon moment, pour prospérer au sein des temps incertains à venir.

1. La modélisation dynamique remplace la modélisation basée sur les performances antérieures

La modélisation basée sur les performances antérieures suppose que les conditions au sein d’un système demeureront les mêmes, mais le climat peut changer la façon dont l’eau circule dans un système, ce qui explique la nécessité d’une approche dynamique.  Prenons l’exemple d’un réservoir d’eau utilisé pour la production d’électricité.

Auparavant, les procédures d’exploitation normalisées (PEN) auraient pu permettre une baisse du niveau d’eau pendant l’hiver en prévision d’un remplissage rapide entraîné par la fonte des neiges au printemps. Un niveau d’eau élevé au printemps aurait permis à l’installation de répondre à la demande en électricité durant les mois d’été où les précipitations sont plus faibles.

Mais à cause des changements climatiques, les conditions météorologiques et la disponibilité de l’eau sont plus variables. Appliquer ces PEN sans tenir compte des conditions actuelles pourrait ne pas donner les résultats escomptés.  Bien que l’exploitant puisse avoir déjà été enclin à déverser l’eau excédentaire par-dessus le barrage en période d’abondance, il y a maintenant des chances accrues qu’en plus des périodes de pluie prolongées et multipliées, il en aille de même pour les périodes de sécheresse où le surplus d’eau aurait pu être utile.

Cela signifie que même s’il y a peu de variations dans la quantité annuelle totale de précipitations, des pénuries d’eau peuvent se produire, même dans les régions du globe où les précipitations totales sont abondantes. L’évolution des précipitations et du moment où elles se produisent peut entraîner des changements inattendus des niveaux d’eau saisonniers, qui auparavant ne nécessitaient pas beaucoup de gestion.

Des mises à jour des PEN sont requises pour permettre une meilleure utilisation de l’infrastructure existante (le barrage lui-même) et une meilleure planification des dépenses en capital, possiblement pour augmenter la hauteur du barrage et le volume du réservoir. La planification ne peut plus autant être fondée sur les données historiques; elle doit plutôt être en révision continue suivant les réalités changeantes et les projections mises à jour des conditions futures. Les organisations doivent donc améliorer leur capacité à intégrer les projections climatiques futures à leurs PEN en vigueur et à leurs stratégies actuelles d’investissement en capital.

Dans notre analogie avec une équipe sportive, cela revient à choisir des joueurs qui ont démontré une excellente capacité d’adaptation pour contrer le style de jeu de n’importe quelle équipe adverse.

2. La résilience est plus qu’un simple investissement en capital

Malgré les progrès réalisés en matière de modèles informatisés des changements climatiques, des incertitudes demeurent dans les projections climatiques sur lesquelles sont basées les PEN et les stratégies d’investissement en capital. Ces incertitudes augmentent lorsqu’on envisage la durée de vie de plusieurs décennies des infrastructures hydrauliques, que ce soit pour la production d’hydroélectricité, l’approvisionnement en eau, la lutte contre les inondations ou l’irrigation. Ce sur quoi les projections climatiques semblent converger, c’est l’évolution des régimes de précipitations dans les conditions climatiques futures. Une tempête d’une ampleur qui autrefois se produisait tous les vingt ans en moyenne pourrait maintenant frapper à tous les dix ans.

L’investissement de capital est souvent nécessaire pour réagir aux changements climatiques et à l’incertitude qui y est associée. Toutefois, il y a des mesures que les organisations peuvent prendre pour évaluer le montant et le moment de l’investissement en capital en planifiant de façon à assurer la résilience.

La planification de la résilience repose sur l’utilisation d’approches connues en matière de gestion des risques qui sont adaptées de façon à intégrer l’information disponible sur les changements climatiques et à s’appuyer sur les cadres existants en matière de communication des risques. La planification permet aux organisations de détecter les vulnérabilités au climat et de prendre des décisions éclairées sur le moment et la façon d’y remédier. Il peut être possible de d’abord exploiter au maximum les ressources disponibles pour réagir aux changements climatiques, plutôt que de bâtir de nouvelles infrastructures ou de rédiger de nouvelles PEN.

Par exemple, il peut être préférable de pomper l’eau entre des réservoirs existants pour gérer l’excédent d’eau plutôt que d’investir dans un nouveau réservoir. Un nouveau réservoir pourrait être nécessaire lorsque le volume d’eau circulant dans un système franchit un certain seuil, mais ce seuil pourrait ne pas être atteint avant une décennie, ou même plus. La planification peut aussi tirer parti de l’environnement immédiat. Par exemple, il est préférable de planifier des systèmes ayant la capacité de récupérer plus rapidement en tirant parti de solutions basées sur la nature.

Bien que les investissements en capital puissent en fin de compte répondre aux préoccupations liées aux changements climatiques et à l’incertitude y étant associée, la planification visant à assurer la résilience peut répondre aux préoccupations des exploitants, des intervenants, des investisseurs et des collectivités environnantes, pour permettre de trouver des solutions complètes obtenues grâce à des investissements judicieux.

C’est un peu comme un entraîneur qui se tient au courant des tendances dans la pratique du sport, afin que son équipe puisse s’entraîner à utiliser et à contrer ces nouvelles façons de jouer.

3. Une planification qui répond aux besoins d’un large éventail d’intervenants

De nombreuses infrastructures liées à l’eau ont été aménagées dans un seul but. Par exemple, en Ontario (Canada), beaucoup de rivières ont été endiguées au début des années 1900, principalement pour la production d’électricité. Au fil des ans, des citadins à la recherche d’un endroit où se détendre ont construit des propriétés de vacances le long des rives des réservoirs, quais et hangars à bateaux inclus, s’attendant à ce que le niveau d’eau soit raisonnablement constant.

À cause des changements climatiques, il est plus difficile pour les exploitants des barrages de concilier les attentes des propriétaires fonciers, la nécessité de réduire le risque d’inondation en aval et celle de répondre aux fluctuations horaires et quotidiennes de la demande en électricité. En fait, les changements climatiques se manifestent déjà dans des périodes de hautes eaux et de basses eaux plus fréquentes et plus intenses. Il en résulte parfois des plaintes de la part de propriétaires fonciers furieux de voir leur hangar à bateaux inondé ou leur aménagement paysager ruiné par les hautes eaux.

Les groupes environnementaux peuvent être tout aussi furieux de voir un marais inondé par les hautes eaux du réservoir pour protéger les propriétaires de chalets en aval. Les amateurs de kayak et de canot en eau vive peuvent quant à eux demander que la rivière en aval du barrage soit maintenue à un niveau suffisamment élevé pour qu’ils puissent pratiquer leur sport. Et les pêcheurs à la ligne peuvent souhaiter que le niveau d’eau soit suffisamment élevé pour permettre aux poissons de se multiplier pendant toute l’année.

Il faut établir un ordre de priorité pour les besoins de ce genre afin que les plus importants soient comblés en premier. Cela revient à un modèle d’intendance où l’eau est une ressource commune. Les organisations gérant les infrastructures liées à l’eau le font avec tous les intervenants en tête.

De nombreux entraîneurs sportifs sont familiers avec ce type de demandes conflictuelles. Certains joueurs demandent plus de temps sur le terrain et moins sur le banc, les partisans de l’équipe peuvent exiger un style de jeu plus agressif, sans oublier le flot incessant d’analyses d’après-partie de ce qui aurait dû être fait. Savoir quel conseil suivre est une importante compétence de gestion dans les sports comme dans le domaine de l’eau.

4. La communication, dans les deux sens, est la clé du succès

En présence de demandes conflictuelles au sujet des ressources en eau, la communication est essentielle à l’élaboration d’une PEN à l’échelle du bassin pour l’intendance de l’eau. Il s’agit d’un concept essentiel du programme d’intendance de l’eau : les exploitations individuelles ne peuvent pas se concentrer uniquement sur leur propriété, car l’eau ne se soucie pas des limites des propriétés. C’est un concept important parce qu’il devient de plus en plus difficile de réaliser des projets, peu importe la taille, sans un « permis social d’exploitation » qui comprend le soutien, ou au moins l’acceptation, du projet par les personnes touchées.

La mise à jour des plans en fonction des réalités liées aux changements climatiques doit être intégrée dans la planification et communiquée adéquatement. Par exemple, dans le cas d’un réservoir dont la fonction principale est la production d’électricité, les propriétaires fonciers doivent être pleinement informés du fait que le niveau d’eau sera optimisé pour fournir l’énergie requise. Pour certains plans d’eau, le niveau d’eau augmentera et diminuera donc de façon notable. Les propriétaires fonciers ne devraient pas s’attendre à ce que le niveau d’eau du lac soit maintenu à la hauteur souhaitée. Les exploitants de réservoirs devraient toutefois veiller à ce que cette variabilité réduise au minimum le risque de dommages aux propriétés.

Tous les intervenants devraient également être tenus au courant de l’incidence des changements climatiques sur les opérations, par exemple la possibilité de devoir maintenir le niveau d’eau du réservoir plus élevé et le débit d’eau en aval plus bas que certains groupes d’intervenants ne l’auraient souhaité. Communiquer ces renseignements représente une occasion d’améliorer les relations avec tous les intervenants : les propriétaires fonciers, les entreprises offrant des services aux plaisanciers et aux pêcheurs, les groupes environnementaux et autres. Il est important d’écouter, autant que de parler, pour comprendre les préoccupations des intervenants et répondre au plus grand nombre possible d’entre elles.

Les organisations qui réduisent leur dépendance aux données historiques et adoptent l’idée d’une planification dynamique sont comme une équipe sportive qui s’attend à l’inattendu, par exemple à des changements dans la formation adverse, avec aplomb. Elles seront mieux en mesure de faire face efficacement à l’avenir, malgré l’incertitude.

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