
Les produits chimiques collectivement appelés PFAS (alkyles perfluorés et polyfluorés) ont été mis au point il y a plus de 50 ans et sont utilisés dans de nombreux sites industriels partout dans le monde. Leur popularité tient au fait qu’ils confèrent un éventail de propriétés utiles aux produits, comme la capacité de repousser l’eau et l’huile et de résister aux produits chimiques et à la chaleur. Au fil du temps, on a constaté que les PFAS s’accumulaient dans les organismes vivants, y compris les humains, ce qui pourrait avoir des effets imprévus sur l’environnement et sur la santé humaine.
Les PFAS sont très lixiviables et parcourent de grandes distances, mais ils persistent dans les zones sources des décennies après leur rejet. Contrairement à de nombreux autres contaminants chimiques, ils sont difficiles à détruire et ne se dégradent pas naturellement, ce qui fait que l’évaluation de la contamination et la réhabilitation sont des tâches complexes.
Malgré l’ampleur du défi que pose la réhabilitation, il existe des approches pragmatiques permettant d’identifier, de prioriser et de réduire rapidement les risques liés aux PFAS. C’est une bonne nouvelle pour les clients, les organismes de réglementation, les collectivités et l’environnement.
Dans le présent article, nous décrivons une approche pratique et réaliste pour relever le défi que posent les PFAS.
1 – Commencer
Commencez par recueillir le plus d’information possible sur les utilisations antérieures des PFAS sur votre site. Incluez des entrevues avec le personnel (antérieur et actuel), des inspections des activités sur le site et un examen de la documentation sur les produits chimiques, des systèmes de confinement et des systèmes de gestion des déchets. Évaluez l’emplacement et la fréquence d’utilisation ou d’élimination des produits contenant des PFAS. Cette revue de l’information recueillie devrait vous permettre de vous concentrer sur les zones clés de votre site, celles où se trouve la plus grande quantité de PFAS.
2 – Se faire une idée de la situation
L’étape suivante consiste à se faire une idée de la situation en élaborant un modèle conceptuel de site. Le modèle précise les endroits où les PFAS de votre site pourraient avoir un impact sur un récepteur potentiel, comme les résidents des alentours, les animaux et les poissons. Envisagez le déplacement des PFAS qui pourrait relier les sources et les récepteurs à travers des voies tels l’infiltration des eaux souterraines, le ruissellement des eaux pluviales et le déplacement de la mousse dans l’air.
3 – Cibler les zones clés et établir les priorités
Après avoir identifié les principales voies de transport des PFAS sur votre site, vous pouvez appliquer une approche d’échantillonnage ciblée qui vous fera gagner du temps et économiser de l’argent, comparativement aux approches habituelles d’échantillonnage à grande échelle. Si, par exemple, la principale voie de transport est le système de drainage des eaux de surface, vous pourriez prélever des échantillons aux endroits clés du système afin de déterminer la masse de PFAS provenant des différentes sources. Vous pourriez ensuite regrouper les résultats et les classer selon les niveaux de priorité élevée, moyenne et faible. Cette approche vous permettra d’exposer rapidement les zones prioritaires à gérer immédiatement. Vous pourrez par la suite effectuer un échantillonnage plus intensif et approfondi.
4 – Identifier les « gains rapides »
Une fois les zones prioritaires cernées, il est parfois possible d’identifier des activités d’entretien et de nettoyage facilement réalisables permettant de faire des « gains rapides » à un coût relativement faible — autrement dit, apporter très rapidement des améliorations importantes qui seront suivies de mesures d’atténuation plus lentes ou à plus long terme. Certaines solutions simples comme la vidange des fosses à sédiments, le nettoyage des drains et la gestion des eaux de surface pourraient même réduire les concentrations de PFAS de plusieurs ordres de grandeur. Il est toujours encourageant d’obtenir rapidement des résultats qui donnent de la confiance et de l’élan.
5 – Ajouter des détails, sur le site et hors site
Un modèle conceptuel préliminaire du site et quelques gains clés ne sont que les premiers pas. À cette étape-ci, le moment est venu d’approfondir notre compréhension des risques et de les éliminer. Un programme détaillé d’échantillonnage et d’analyse sera nécessaire, mais l’important ici est de commencer le processus avec l’objectif final en tête.
Le modèle conceptuel préliminaire du site montre les principales voies menant des sources aux récepteurs, mais vous devriez le mettre à jour à mesure que de nouvelles données sont acquises et que la compréhension des risques évolue. Cela vous aidera à communiquer et à orienter les prochaines étapes de l’évaluation avec confiance et efficacité.
C’est une chose que de recueillir des données, mais c’en est une autre que de comprendre ce qu’elles signifient vraiment, et c’est à ce moment-ci que l’interprétation de données complexes entre en jeu. Il existe des techniques permettant d’analyser l’« empreinte » ou la « signature » des différents échantillons de PFAS qui peuvent grandement améliorer la compréhension des sources sur le site, des voies de transport et du devenir des PFAS dans l’environnement.
Une modélisation 3D intégrant la modélisation géologique, hydrologique et hydraulique au modèle conceptuel du site fournit des renseignements avancés et est un outil de communication utile pour permettre aux membres des organismes de réglementation, aux décideurs non techniques et à la collectivité en général de comprendre des données complexes de façon intuitive.
6 – Évaluer et communiquer les risques
Au fur et à mesure que l’information est recueillie, il faut évaluer les risques pour déterminer les effets négatifs potentiels sur les récepteurs. Le processus d’évaluation des risques devrait viser à distinguer les zones considérées comme posant des risques faibles et acceptables (pour lesquelles du travail supplémentaire ne sera peut-être pas nécessaire) des zones où les risques sont incertains ou susceptibles d’être inacceptables (pour lesquelles des mesures supplémentaires doivent être prises). Pour les activités ou les zones où les risques ont été classés comme étant inacceptables, des mesures correctives devraient être prises.
Une autre chose importante sur le plan de la gestion, c’est de communiquer les risques pour la santé et l’environnement aux intervenants de façon claire et précise, en temps opportun et avec délicatesse. Beaucoup de renseignements sur les PFAS sont techniques et complexes, de sorte qu’il sera nécessaire de donner des explications et de préciser le contexte en langage clair et simple pour clarifier la situation, rassurer les gens et éviter de les inquiéter inutilement.
7 – Planifier les mesures
Vous avez donc identifié des risques qui ont été classés comme étant inacceptables, et il vous faut agir. Le moment est venu d’élaborer un plan de nettoyage assorti d’une feuille de route comportant des jalons. Cependant, dans certaines situations, la décontamination n’est pas possible ou il est peu probable qu’une évaluation détaillée soit utile. Dans de tels cas, il est pratique de réduire ou d’éliminer les rejets de PFAS et de mettre en place des mesures de gestion pour limiter l’exposition, autant sur le site qu’autour de celui-ci.
La stratégie de gestion des risques éclairera le choix des diverses solutions de réhabilitation possibles en fonction de l’efficacité, du coût, du caractère pratique et des répercussions sur la collectivité et sur l’environnement. De nombreuses technologies novatrices se révèlent prometteuses dans le cadre d’essais de recherche ou de projets pilotes, alors demandez conseil à des spécialistes de la réhabilitation qui sont au fait de ces progrès rapides dans la recherche de méthodes durables et économiques pouvant être déployées à la bonne échelle pour votre site.
8 – Nettoyer
Il vaut la peine de se demander si certaines des méthodes habituelles de réhabilitation simples et peu coûteuses peuvent être une solution pragmatique et économique pour vos zones prioritaires. Il pourrait s’agir par exemple du détournement ou du confinement des eaux de surface, de l’étanchéisation du béton ou de l’asphalte, ou encore de l’enlèvement d’une certaine quantité de sols de surface. La modélisation 3D des zones sources permet de localiser les concentrations élevées de PFAS en profondeur et de réaliser des essais à l’égard des volumes de sol à enlever dans différents scénarios de réhabilitation. Cette démarche aide à établir le coût du plan de réhabilitation avant de commencer les travaux d’excavation.
Grâce à une combinaison d’un enlèvement de sol très ciblé et de certains travaux de réfection du béton et de l’asphalte, il peut même être possible de prolonger la durée de vie de vos installations opérationnelles.
9 – Continuer sur la bonne voie
Une fois que vous aurez fait vos « gains rapides » et établi vos zones prioritaires pour la réhabilitation, vous aurez besoin d’un plan de gestion de site ciblé et stratégique pour les PFAS. Le plan devrait permettre de surveiller les changements touchant la qualité de l’eau à la suite de la mise en œuvre des mesures d’atténuation, afin de valider les améliorations et de faire le suivi des principaux emplacements sentinelles pour vérifier que le profil de risque demeure faible et acceptable.
Bien qu’il reste encore beaucoup à apprendre au sujet des risques complexes liés aux PFAS, de leur gestion et de la réhabilitation des sites où ils se trouvent, aucune entreprise ne peut se permettre d’être complaisante. Il y a des mesures concrètes, rapides et économiques que vous pouvez mettre en œuvre pour apporter de grandes améliorations à l’égard de votre responsabilité et de la sécurité de vos travailleurs, de votre collectivité et de l’environnement.
Greg Stratton est spécialiste principal de l’environnement au bureau de Canberra (Australie) de Golder. Il possède plus de 20 ans d’expérience dans un large éventail de projets environnementaux et dirige régulièrement des équipes multidisciplinaires menant des projets complexes d’évaluation et de réhabilitation de sites. L’expérience de projet de Greg comprend des sites touchés par des contaminants conventionnels, non conventionnels et émergents présents dans les milieux côtiers et extracôtiers. Greg est actuellement leader de la communauté technique de l’étude et de la réhabilitation des sites contaminés par les PFAS de Golder Asie-Pacifique, et son expérience des PFAS comprend les évaluations détaillées de site, l’évaluation des risques pour la santé humaine et l’environnement, la réhabilitation et la gestion des matériaux.
Rachael Wall est ingénieure chimiste principale au bureau de Melbourne (Australie). Elle compte plus de 18 ans d’expérience dans le domaine de l’évaluation environnementale et de la réhabilitation des eaux souterraines, dont un doctorat en génie chimique sur le traitement des eaux usées. Rachael est la responsable technique de plusieurs sites opérationnels complexes faisant l’objet d’un audit environnemental où les PFAS comptent parmi les principaux produits chimiques d’intérêt. Sa participation à ces projets comprend l’orientation de la stratégie d’évaluation et de nettoyage, la liaison avec les clients et les organismes de réglementation, l’évaluation environnementale et la réhabilitation des eaux souterraines.
Jonathan Medd est directeur technique et associé principal au bureau de Melbourne (Australie) de Golder. Il compte plus de 27 ans d’expérience en recherche et en consultation environnementale et est auditeur nommé par l’EPA pour les terrains contaminés et les installations industrielles. Il se spécialise dans l’utilisation de méthodes axées sur les risques afin d’obtenir des résultats ciblés et de trouver des solutions plus durables pour la fermeture réglementaire de sites contaminés en milieux terrestres, aquatiques et souterrains. Jonathan est responsable des capacités techniques de réhabilitation de l’eau pour Golder Australie.