Les activités minières, industrielles et agricoles et l’urbanisation entraînent le rejet de grandes quantités d’effluents. Les grands barrages associés à ces activités provoquent d’autres changements importants dans le schéma naturel du débit des cours d’eau. Ces impacts hydrologiques anthropiques doivent être gérés avec soin afin de maintenir une qualité d’eau acceptable et de répondre aux besoins écologiques liés au débit.
Le surenrichissement en nutriments (souvent attribuable à l’activité humaine) peut causer la croissance excessive d’algues, qu’on appelle l’eutrophisation. Ce phénomène peut avoir des répercussions sur les plans d’eau et poser de graves problèmes en ce qui a trait à l’abreuvement du bétail et au traitement de l’eau pour usage domestique. Les charges accrues en nutriments pourraient poser une menace pour la santé si les matières organiques présentes dans l’eau réagissent pendant la chloruration pour produire des trihalométhanes. Les algues et les macrophytes en décomposition peuvent également appauvrir l’eau en oxygène, au détriment des poissons et d’autres organismes aquatiques.
Dans un pays comme l’Afrique du Sud, aux prises avec un manque d’eau, tout risque important pesant sur les ressources hydriques est particulièrement préoccupant. La possibilité que les changements climatiques exacerbent les risques existants et qu’ils exercent une pression encore plus grande sur les fleuves, les rivières et les barrages du pays est encore plus préoccupante. Voilà pourquoi la Water Research Commission [anglais seulement] a amorcé une étude de trois ans visant à analyser les effets des changements climatiques sur l’eutrophisation et les conséquences de la qualité de l’eau sur l’écosystème aquatique de l’Afrique du Sud.
Modélisation de deux études de cas
Golder a été chargée de mener l’étude — pour obtenir des données sur les changements climatiques aux fins de celle-ci, l’entreprise a établi un partenariat avec des experts des universités de Stellenbosch et du KwaZulu-Natal (UKZN) — et de modéliser deux systèmes d’études de cas (un sur la rivière Vaal, dans la province de Gauteng, et l’autre sur le barrage du fleuve Berg et le barrage Voëlvlei Dam, dans le Cap-Occidental).
Le Vaal Dam, barrage situé sur le réseau hydrographique intégré de la rivière Vaal, approvisionne en eau près de la moitié de l’économie de l’Afrique du Sud et un tiers de sa population. Golder a choisi la rivière Vaal comme cas à étudier en raison des préoccupations que suscite actuellement la qualité de son eau et de son importance pour l’approvisionnement en eau d’une région où l’activité économique est considérable (mines de diamants et d’or, agriculture et zones urbaines). La concentration de phytoplancton dans le Vaal Barrage, petit réservoir d’un barrage situé en aval du Vaal Dam, est particulièrement élevée en raison de divers rejets industriels, agricoles et domestiques et a déjà entraîné des problèmes liés à l’eutrophisation.
Golder a établi et vérifié un modèle de qualité de l’eau sur feuille de calcul qui avait été élaboré par l’Université Tufts, aux États-Unis, afin de simuler un tronçon de 280 km de la rivière Vaal pour le Department of Water Affairs (DWA). Les projections des changements climatiques accessibles dans la base de données hydrologiques de l’UKZN (à la fine échelle du bassin versant) ont ensuite été utilisées comme intrants dans le modèle pour évaluer les effets des changements climatiques sur la qualité de l’eau. Les renseignements météorologiques à échelle réduite ont été fournis par le Climate Systems Analysis Group (CSAG) de l’Université de Cape Town.
La seconde étude de cas était axée sur le barrage du fleuve Berg et le barrage Voëlvlei Dam, deux des six barrages qui représentent presque toute la capacité d’emmagasinement d’eau de la province du Cap-Occidental et qui approvisionnent Le Cap, une ville en plein essor. Un autre modèle de qualité de l’eau, mis au point par l’université d’État de Portland, a été utilisé par l’équipe de l’université de Stellenbosch aux fins de cet exercice de modélisation, dans le cadre duquel on a étudié les changements que devraient subir les diatomées (un grand groupe de microalgues), les algues vertes et les algues bleues (cyanobactéries).
Les résultats révèlent un besoin urgent de gérer la pollution
Les modèles de climat futur utilisés dans le cadre des deux études de cas ont montré des augmentations annuelles de la température de l’air qui font ensuite augmenter la température de l’eau de surface dans les modèles de qualité de l’eau. Compte tenu des températures plus élevées de l’eau, le taux de dissolution de l’oxygène dans la colonne d’eau est réduit, ce qui diminue la quantité d’oxygène disponible pour les organismes aquatiques. L’ajout de nutriments, plus particulièrement d’azote et de phosphates par une pollution anthropique diffuse et ponctuelle, favorise la croissance des algues. Les températures plus élevées créent également des conditions propices à la prolifération d’algues qui consomment davantage d’oxygène lorsqu’elles se décomposent. Ces impacts réduisent la santé des écosystèmes aquatiques.
Selon les résultats de l’étude de la rivière Vaal, une réduction importante de la charge de phosphate dans le Vaal Barrage et de diverses sources ponctuelles serait nécessaire pour réduire la quantité d’algues dans le réseau et améliorer la santé de l’écosystème.
Pour ce qui est des études de cas du fleuve Berg et du barrage Voëlvlei Dam, dans le Cap-Occidental, l’augmentation de la température de l’eau prévue en raison des changements climatiques a entraîné l’évaporation des eaux de surface des barrages, ce qui a fait baisser leur niveau (l’effet est généralement plus marqué dans les réservoirs de barrage que dans les fleuves et les rivières). Les changements touchant les volumes d’eau en général dans les réservoirs de barrages ou les fleuves et rivières sont susceptibles d’accroître la quantité de sédiments en suspension dans la colonne d’eau et d’encourager le rejet de nutriments, ce qui entraîne une réduction de la qualité de l’eau. Les températures plus chaudes peuvent également faire augmenter l’action microbienne, laquelle provoque une réduction de la teneur en oxygène dissous. Lorsque les températures sont élevées, les taux de décomposition des matières organiques peuvent aussi être plus élevés, et la solubilité de l’oxygène dissous peut diminuer, ce qui rend l’habitat moins adéquat pour les vertébrés et les invertébrés qui respirent l’oxygène.
La réduction des activités récréatives et culturelles attribuable à la mauvaise qualité de l’eau et la perte des avantages financiers qui en découle pour la région sont une conséquence sociale importante des changements climatiques analysée dans le cadre des deux études de cas. La prolifération accrue d’algues et la croissance des cyanobactéries peuvent également avoir des répercussions sur la santé humaine, faire augmenter les coûts de traitement de l’eau et réduire la fiabilité du traitement; elles peuvent même entraîner des décès causés par des algues toxiques dans les collectivités où les gens boivent l’eau directement d’un cours d’eau.
Cette étude menée par Golder porte à croire qu’un contrôle rigoureux des rejets de nutriments dans les cours d’eau et les réservoirs de retenue de l’Afrique du Sud est essentiel à la gestion d’une eutrophisation potentiellement toxique. Comme la demande en eau qui s’accroît et les sécheresses prolongées exercent déjà des pressions sur l’eau et provoquent déjà des crises, l’Afrique du Sud doit agir rapidement pour protéger ses plans d’eau contre la pollution de l’eau et l’eutrophisation, surtout compte tenu des changements climatiques.